Ce dimanche 11 mars 2007 a eu lieu au Théâtre Municipal d’Albi le concours Solo Mio, tremplin danse organisé par l’Athanor, Scène Nationale d’Albi et le Centre de Développement Chorégraphique de Toulouse/Midi-Pyrénées, qui permet à des jeunes chorégraphes de présenter au public et à un jury de professionnels leur première création.
Le jury cette année était composé de Mark Tompkins, chorégraphe de la compagnie IDA et émérite personnage franco-américain de l’improvisation en danse, qui en été à juste titre le président, Danièle Devynck, conservateur du Musée Toulouse-Lautrec à Albi, Nathalie Auboiron, chargée de mission danse de l’ADDA du Tarn, Jean-Jacques Mateu, metteur en scène de la Petit Bois Cie. et Aurélie Savy, étudiante au CUFR Jean-François Champollion à Albi, représentant le public.
Le rideau s’ouvre sur Carla Macau, 23 ans, candidate catalane présentée par l’Institut del Teatre de Barcelone, qui danse «UVA», chorégraphie de Miquel Barcelona. Pendant 13 minutes Carla interprète une danse d’objets, qui comme elle, gigotent sans raison apparente. Une jolie danseuse qui a bien exécuté ce que l’on a demandé. Malgré la belle image de début, «UVA» n’est que ça : des successions d’images sans fil conducteur, sans logique, sans fluidité… des subterfuges pour une danse académique qui se base sur une théâtralité exagérée et démodée. «UVA» («raisin» en français) prends son titre des raisins que l’interprète mange, sans qu’on comprenne pourquoi, à la fin de ces 13 infinis minutes d’une inintéressante chorégraphie.
«JAMAIS DES JAMBES», chorégraphié et interprété par Jung-Ae Kim, coréenne de 24 ans établie à Paris, nous montre une danse dense, peut-être un peu longue (15 minutes), mais qui a des choses à dire. Jung-Ae propose une fluidité de mouvement et une théâtralité qui permettent de lui attribuer une filiation dans les courants de la danse contemporaine française (Jung-Ae, danse, entre autres pour Odile Duboc/CCN de Franche Comté, et a fait la formation ex.e.r.ce du CCN de Montpellier/Mathilde Monnier). Une jeune chorégraphe potentielle, qui malgré un choix de costume minimaliste (et peut-être pas le meilleur) affirme sa présence, mais qui apparemment n’a pas marqué le jury.
Ce suit «AVEX KIALA», petite bouffée d’air frais «à la française», chorégraphié et interprété par Lucie Lataste, toulousaine de 28 ans, qui nous apparaît comme une Amélie Poulain de la danse, et qui pendant 13 minutes nous propose une chorégraphie gestuelle. Cela est intéressant, malgré une esthétique un peu vieillie (et qui se veux intemporelle), mais le propos (la danse est développé à partir de la langue des signes) n’évolue guère, et ça reste dans une agitation ou l’énergie est la même du début à la fin.
«TAUREAU – EN QUÊTE D’UN AUTOPORTRAIT» de la chorégraphe et interprète turque Özlem Alkis, 29 ans, encore une candidate institutionnelle, cette fois du CNDC d’Angers, est une déambulation nonchalante où nous avons l’impression que l’action se passe surtout dans la tête d’Özlem, puisque au public manquent des pistes pour comprendre ou même être captivé par cette gestuelle fluide mais inaccessible.
Bérangère Quillard, 30 ans, habitant Toulouse, a proposé «AUTOROUTES A11, A6» (titre provisoire). 15 minutes de Rock&Roll sur une danse débridée et une narrative engagée. Bérangère arrive avec une attitude de rebelle révoltée, qui dévoile d’emblée toute la dramaturgie d’«AUTOROUTES», et qui condamne la pièce à un decrescendo d’intérêt. Sa théâtralité, sur jouée et criée n’arrange pas les choses, et rend souvent sa narrative incompréhensible. Une installation sonore intéressante qui ne compense pas la linéarité de cette énergie «rebelle» qui termine par nous fatiguer. Une danse partant de cette même énergie «rebelle» mais qui ne se croise pas avec le texte ou la musique, donnant origine à une pièce pluridisciplinaire, mais où les disciplines ne se mélangent pas.
Un travail avec potentiel, un potentiel à nourrir de nuances… nuances qui pourraient amener toute une nouvelle dimension à ces «AUTOROUTES».
«THE FUCKING PART» met en scène Yann Gibert, seul chorégraphe et interprète du sexe masculin à se présenter au Solo Mio. Ce jeune danseur français de 25 ans, habitant le Portugal, fait une proposition originale (la seule de cette édition de Solo Mio !) avec son «THE FUCKING PART». Pendant 9 minutes il nous suggère par la parole les mouvements qu’il pourrait faire, avançant et reculant dans l’espace et ce plaçant toujours dans la même position, debout face à nous. Si au début, à la surprise initiale se suit le questionnement: ok, et alors, où tu veux en venir ?, on termine par se laisser emballer par la magie de la suggestion des mots et on voit Yann danser. D’autant plus qu’à la sensation d’être pris au piège initiale, se suit l’amusement de cette performance culotté où ne manque pas l’humour. Au moins nous aurons pu apprécier une proposition aboutie, même si le vocabulaire n’était pas celui de la danse, mais était sans doute celui du corps, et du langage le plus contemporain de la soirée !
Mais le jury a décidé autrement et c’est Sara Martinet, toulousaine de 24 ans qui a été la lauréate de cette édition de Solo Mio, avec son «LE BAIN». Ce «BAIN» commence avec l’angoisse de la danseuse exprimée pitoyablement par des phrases au sol qui auraient pu être des exercices pris de n’importe quel cours de danse contemporaine… Sara, une interprète du mouvement, danse ses révoltes prenant son corps comme bouc émissaire, caché derrière un visage inexpressif qui se cache à son tour derrière ses cheveux. Une danse souffrante qui nous rappelle quelques chorégraphes des années 90. Le manque d’originalité de cette chorégraphie s’aggrave avec l’utilisation scénique de la baignoire (cachée derrière un tissu au début, que la danseuse/chorégraphe enlève pendant un noir fait exprès pour cela, et qui marque la 2ème partie de la pièce!). Cet objet devient, nous ne savons pas pourquoi, puisque le début ne laissé prévoir rien en rapport avec «LE BAIN» (malgré le titre), le centre de toute action, et si Sara l’utilise de façon virtuose, cela ne suffit guère, puisque la succession de mouvements et d’images ne priment point par son originalité… même le moment d’humour (que nous dirons : malgré la volonté de Sara) est vécu avec gravité - les lunettes de piscine, suffisent peut-être à faire rire le public, mais surtout pas à affirmer une nouvelle donné chorégraphique ou dramaturgique.
Si «LE BAIN» de Sara Martinet n’était peut-être pas la chorégraphie la moins intéressante de cette édition du Solo Mio, elle n’était pas non plus, ni du point de vue de la chorégraphie, ni du point de vue de l’interprétation, ni du point de vu de la recherche du mouvement, ni du pont de vu de l’originalité du propos, la création la plus contemporaine, pertinente, originale ou aboutie de la soirée.
Restent à questionner les paramètres de sélection (et présélection) – nous avons du mal à croire que ce tremplin réunissait un échantillon représentatif de la jeune création française, européenne ou mondiale !
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